Claude Berri (1934-2009)
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Claude Berri (1934-2009)
Claude Berri, de son vrai nom Claude Berel Langmann, né à Paris le 1er juillet 1934, est un réalisateur, acteur, producteur, scénariste français de cinéma.
Jean-Paul- Membre Vénérable de l'Opale
- Messages : 7080
Date d'inscription : 06/04/2008
Localisation : Annecy
décés de Claude Berry le 12 janvier 2009
Article de François-Guillaume Lorrain paru dans "Le point" le 15 janvier 2009
Sa dernière apparition filmée, chancelante, datait des césars, le 23 février 2008. Il avait tenu à monter sur scène pour embrasser son dernier poulain, Abdellatif Kechiche, dont il avait produit « La graine et le mulet », grand vainqueur de la soirée. Une dernière fois, il avait voulu entendre ce que le cinéma français avait répété comme une antienne : « Merci, Claude Berri ». Quatre jours après sortait « Bienvenue chez les ch'tis », de Dany Boon, sur lequel Berri avait déjà misé, dès 2005, avec son film précédent. Le producteur Claude Berri sera parti en beauté... Après le suicide de sa première femme, Anne-Marie, en 1997, le décès tragique de son fils, Julien Rassam, en 2002, le vieux nabab, au milieu de ses morts, ne semblait plus pourtant avoir que le Lexomil et le Prozac pour amis. Mais, jusqu'au bout, il aura eu du flair. Face à lui, on était frappé par son visage triste, son regard flottant et sa barbe à la Chagall de Juif errant. Il l'avait laissée pousser pour ressembler à son père. Chez ce petit ours bougon, la timidité cohabitait avec la ténacité. Il avait parfois la dureté des sentimentaux, la colère des doux, la ruse des attendrissants. De toutes ses vies, ce Monsieur Cinéma nous aura aussi laissé un livre, « Autoportrait » (Léo Scheer), précipité de douleur, oeuvre au noir d'une sécheresse effrayante. Beau paradoxe.
Le réalisateur
« Le cinéma de papa » : s'il n'avait dû garder qu'un film, il aurait choisi celui-là. Il avait commencé à l'écrire en 1960, du vivant de son père, Roger Langmann, artisan fourreur du faubourg Poissonnière, mais comédien dans l'âme, qui corrigea parfois le scénario quand le jeune Claude s'absentait. Il y est question d'un jeune acteur qui ne perce pas, mais qui produit un film dont son père est la vedette. Roger meurt en 1961 et le fils inconsolable devra attendre 1970 pour tourner ce bloc de tendresse où Yves Robert joue la légende familiale. Acteur timide et frustré, Berri, qui vivra jusqu'à 32 ans aux crochets de sa maman, a connu les vaches maigres. Emule de Truffaut, Berri raconte d'abord une vie épicée de cet humour juif hérité du pater familias : sa guerre d'enfant caché dans « Le vieil homme et l'enfant », son mariage (« Mazel Tov »), son service militaire (« Le pistonné »)... Mais la critique le snobe et la veine autobiographique se tarit. Sa vie aussi, avec la folie de sa femme. Il se tourne vers le drame : « Tchao Pantin » est un triomphe. Avec l'argent gagné, il choisit des valeurs sûres : Pagnol (« Jean de Florette »), Marcel Aymé (« Uranus »), Zola (« Germinal ») et le couple Aubrac. Le vilain petit canard du Sentier voit grand, entre le Panthéon et l'Académie. « Mais je tournais pour tourner », avoue-t-il dans son « Autoportrait ». Il y a un malentendu Berri, jamais reconnu pour ses films personnels.
Le distributeur
C'est le socle de sa fortune. Il a retenu la leçon rabâchée par son père, modeste fourreur : « Il faut donner les cartes, et à des gros. » Pour cela, il faut maîtriser tous les maillons de la chaîne du cinéma. Dès 1972, il se constitue patiemment, à l'inverse de son flamboyant beau-frère Jean-Pierre Rassam, un réseau hétéroclite : Claude Zidi, Jacques Doillon, Pascal Thomas, François Truffaut, Claude Miller, mais aussi Ettore Scola, Milos Forman, dont il est allé chercher la famille en voiture à Prague après l'arrivée des chars russes, ou Coppola dont il achète « Apocalypse Now ».
Le producteur.
C'est la vengeance du réalisateur frustré. Les méchantes langues diront que le Berri producteur est plus grand que le Berri réalisateur. Exemple avec « Tess » de Polanski, exilé en France : Berri emprunte et hypothèque tout ce qu'il possède pour financer le film le plus cher du cinéma français. Pari gagné. Annaud (« L'ours », « L'amant »), Chéreau (« L'homme blessé », « La reine Margot »), Forman (« Valmont ») peuvent lui dire aussi merci. Il se renouvelle avec « Astérix », Chabat, Yvan Attal et Noémie Lvovsky.
L'homme blessé
« Je roule des heures en voiture, conduit par mon chauffeur. Ça me calme. » Berri écrit ces lignes au printemps 2002. En février, il a perdu son fils, Julien, hémiplégique depuis une tentative de suicide en 1998. Il a tout fait pour l'aider, mais il se sent coupable depuis la maladie d'Anne-Marie, la mère de ses enfants, maniaco-dépressive depuis 1980, et qui se jettera, en 1997, de l'appartement de la mère d'Isabelle Adjani. Il avoue n'avoir pas su renoncer à sa vie d'homme, à ses rêves de cinéma. Il n'a pas su devenir un père, il est resté un fils. Le fils de ce Roger Langmann si drôle : « Ce qu'il a pu me faire rire. Il m'a beaucoup battu. Moi, je ne bats pas mes enfants, mais je ne les fais pas rire. Je préférerais les battre. » Sa dernière maison de production, il l'appelle Hirsch, le vrai prénom de son père. Les drames, à la fin de sa vie, rattrapent le nabab, qui renoue avec un courage certain avec une veine plus personnelle : c'est « La débandade », comédie de l'impuissance, où il va jusqu'à tourner une scène dans la chambre de l'hôtel d'où s'est jeté son fils Julien. Puis en 2005, dans « L'un reste, l'autre part », il exorcise à l'écran les dernières années de sa femme et de son fils. Chaque fois, le public ne suit pas. En privé, le réalisateur avoue sa peine, n'ayant plus pour se consoler que sa dernière épouse, Nathalie Rheims, rencontrée le lendemain du suicide de son fils, en 1998, son fils Thomas Langmann, et les blancheurs lumineuses de ses tableaux.
Le collectionneur
« Combien de fois j'ai entendu parler de "peinture blanche" pour évoquer Ryman ? Combien j'ai été irrité au cours d'une représentation de la pièce "Art" de Yasmina Reza en entendant les rires gras du public se gausser de ce tableau blanc ! » écrit-il dans son « Autoportrait ». C'est en 1985 qu'il devient accro à la peinture contemporaine : alors qu'il tourne « Jean de Florette », il se fait voler un tableau de Tamara de Lempicka. Il ne peut plus vivre sans ce tableau, et bientôt sans la peinture et sa lumière. Il achète d'abord du Dubuffet. Une nuit, il se réveille pour se faire chez lui sa petite expo perso de Dubuffet. Pendant le tournage de « Lucie Aubrac », en 1996, il effectue un aller-retour jusqu'à New York pour voir les derniers tableaux de son cher « Bob ». « Ryman, c'est comme Monet sans les nénuphars. J'ai d'abord acheté deux oeuvres de lui que j'ai dû revendre. Puis j'ai trouvé un chef-d'oeuvre chez Christie's », déclare-t-il à Judith Benhamou-Huet dans « Global Collectors » (Phébus). Pas étonnant qu'il ait intitulé son livre « Autoportrait ». Car son seul vrai sujet avait été lui-même
Sa dernière apparition filmée, chancelante, datait des césars, le 23 février 2008. Il avait tenu à monter sur scène pour embrasser son dernier poulain, Abdellatif Kechiche, dont il avait produit « La graine et le mulet », grand vainqueur de la soirée. Une dernière fois, il avait voulu entendre ce que le cinéma français avait répété comme une antienne : « Merci, Claude Berri ». Quatre jours après sortait « Bienvenue chez les ch'tis », de Dany Boon, sur lequel Berri avait déjà misé, dès 2005, avec son film précédent. Le producteur Claude Berri sera parti en beauté... Après le suicide de sa première femme, Anne-Marie, en 1997, le décès tragique de son fils, Julien Rassam, en 2002, le vieux nabab, au milieu de ses morts, ne semblait plus pourtant avoir que le Lexomil et le Prozac pour amis. Mais, jusqu'au bout, il aura eu du flair. Face à lui, on était frappé par son visage triste, son regard flottant et sa barbe à la Chagall de Juif errant. Il l'avait laissée pousser pour ressembler à son père. Chez ce petit ours bougon, la timidité cohabitait avec la ténacité. Il avait parfois la dureté des sentimentaux, la colère des doux, la ruse des attendrissants. De toutes ses vies, ce Monsieur Cinéma nous aura aussi laissé un livre, « Autoportrait » (Léo Scheer), précipité de douleur, oeuvre au noir d'une sécheresse effrayante. Beau paradoxe.
Le réalisateur
« Le cinéma de papa » : s'il n'avait dû garder qu'un film, il aurait choisi celui-là. Il avait commencé à l'écrire en 1960, du vivant de son père, Roger Langmann, artisan fourreur du faubourg Poissonnière, mais comédien dans l'âme, qui corrigea parfois le scénario quand le jeune Claude s'absentait. Il y est question d'un jeune acteur qui ne perce pas, mais qui produit un film dont son père est la vedette. Roger meurt en 1961 et le fils inconsolable devra attendre 1970 pour tourner ce bloc de tendresse où Yves Robert joue la légende familiale. Acteur timide et frustré, Berri, qui vivra jusqu'à 32 ans aux crochets de sa maman, a connu les vaches maigres. Emule de Truffaut, Berri raconte d'abord une vie épicée de cet humour juif hérité du pater familias : sa guerre d'enfant caché dans « Le vieil homme et l'enfant », son mariage (« Mazel Tov »), son service militaire (« Le pistonné »)... Mais la critique le snobe et la veine autobiographique se tarit. Sa vie aussi, avec la folie de sa femme. Il se tourne vers le drame : « Tchao Pantin » est un triomphe. Avec l'argent gagné, il choisit des valeurs sûres : Pagnol (« Jean de Florette »), Marcel Aymé (« Uranus »), Zola (« Germinal ») et le couple Aubrac. Le vilain petit canard du Sentier voit grand, entre le Panthéon et l'Académie. « Mais je tournais pour tourner », avoue-t-il dans son « Autoportrait ». Il y a un malentendu Berri, jamais reconnu pour ses films personnels.
Le distributeur
C'est le socle de sa fortune. Il a retenu la leçon rabâchée par son père, modeste fourreur : « Il faut donner les cartes, et à des gros. » Pour cela, il faut maîtriser tous les maillons de la chaîne du cinéma. Dès 1972, il se constitue patiemment, à l'inverse de son flamboyant beau-frère Jean-Pierre Rassam, un réseau hétéroclite : Claude Zidi, Jacques Doillon, Pascal Thomas, François Truffaut, Claude Miller, mais aussi Ettore Scola, Milos Forman, dont il est allé chercher la famille en voiture à Prague après l'arrivée des chars russes, ou Coppola dont il achète « Apocalypse Now ».
Le producteur.
C'est la vengeance du réalisateur frustré. Les méchantes langues diront que le Berri producteur est plus grand que le Berri réalisateur. Exemple avec « Tess » de Polanski, exilé en France : Berri emprunte et hypothèque tout ce qu'il possède pour financer le film le plus cher du cinéma français. Pari gagné. Annaud (« L'ours », « L'amant »), Chéreau (« L'homme blessé », « La reine Margot »), Forman (« Valmont ») peuvent lui dire aussi merci. Il se renouvelle avec « Astérix », Chabat, Yvan Attal et Noémie Lvovsky.
L'homme blessé
« Je roule des heures en voiture, conduit par mon chauffeur. Ça me calme. » Berri écrit ces lignes au printemps 2002. En février, il a perdu son fils, Julien, hémiplégique depuis une tentative de suicide en 1998. Il a tout fait pour l'aider, mais il se sent coupable depuis la maladie d'Anne-Marie, la mère de ses enfants, maniaco-dépressive depuis 1980, et qui se jettera, en 1997, de l'appartement de la mère d'Isabelle Adjani. Il avoue n'avoir pas su renoncer à sa vie d'homme, à ses rêves de cinéma. Il n'a pas su devenir un père, il est resté un fils. Le fils de ce Roger Langmann si drôle : « Ce qu'il a pu me faire rire. Il m'a beaucoup battu. Moi, je ne bats pas mes enfants, mais je ne les fais pas rire. Je préférerais les battre. » Sa dernière maison de production, il l'appelle Hirsch, le vrai prénom de son père. Les drames, à la fin de sa vie, rattrapent le nabab, qui renoue avec un courage certain avec une veine plus personnelle : c'est « La débandade », comédie de l'impuissance, où il va jusqu'à tourner une scène dans la chambre de l'hôtel d'où s'est jeté son fils Julien. Puis en 2005, dans « L'un reste, l'autre part », il exorcise à l'écran les dernières années de sa femme et de son fils. Chaque fois, le public ne suit pas. En privé, le réalisateur avoue sa peine, n'ayant plus pour se consoler que sa dernière épouse, Nathalie Rheims, rencontrée le lendemain du suicide de son fils, en 1998, son fils Thomas Langmann, et les blancheurs lumineuses de ses tableaux.
Le collectionneur
« Combien de fois j'ai entendu parler de "peinture blanche" pour évoquer Ryman ? Combien j'ai été irrité au cours d'une représentation de la pièce "Art" de Yasmina Reza en entendant les rires gras du public se gausser de ce tableau blanc ! » écrit-il dans son « Autoportrait ». C'est en 1985 qu'il devient accro à la peinture contemporaine : alors qu'il tourne « Jean de Florette », il se fait voler un tableau de Tamara de Lempicka. Il ne peut plus vivre sans ce tableau, et bientôt sans la peinture et sa lumière. Il achète d'abord du Dubuffet. Une nuit, il se réveille pour se faire chez lui sa petite expo perso de Dubuffet. Pendant le tournage de « Lucie Aubrac », en 1996, il effectue un aller-retour jusqu'à New York pour voir les derniers tableaux de son cher « Bob ». « Ryman, c'est comme Monet sans les nénuphars. J'ai d'abord acheté deux oeuvres de lui que j'ai dû revendre. Puis j'ai trouvé un chef-d'oeuvre chez Christie's », déclare-t-il à Judith Benhamou-Huet dans « Global Collectors » (Phébus). Pas étonnant qu'il ait intitulé son livre « Autoportrait ». Car son seul vrai sujet avait été lui-même
Jean-Paul- Membre Vénérable de l'Opale
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