La Juilliard School fait sa révolution à New York
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La Juilliard School fait sa révolution à New York
La prestigieuse école américaine a décidé d'enseigner le baroque. Le
chef William Christie et son ensemble, Les Arts Florissants, ont traversé
l'Atlantique pour célébrer l'événement.
» INTERVIEW - Christie : «Le retour à l'authenticité a commencé aux
USA»
En écoutant vendredi soir le concert interprété à la Juilliard School de New
York par les quatorze élèves qui, pendant une semaine, avaient répété sous la
férule amicale mais exigeante des musiciens des Arts Florissants, qui aurait pu
imaginer que la technique de la musique baroque leur était encore étrangère il y
a quatre mois. Cette représentation, ponctuée par les commentaires de William
Christie, marquait l'apothéose d'une folle semaine, au cours de laquelle la
prestigieuse école de musique new-yorkaise a accueilli en résidence le chef
franco-américain et son ensemble de musique baroque, Les Arts Florissants. Un
prélude à l'ouverture permanente en 2009 d'un enseignement de musique
ancienne.
C'est une révolution culturelle pour la Juilliard School en pleine rénovation
architecturale et musicale. Lorsque les travaux seront terminés, l'année
prochaine, l'institution centenaire proposera un enseignement permanent de
musique ancienne au cœur du bâtiment, dont la façade de verre, en regard du
Lincoln Center, abrite également le Metropolitan Opera et l'Avery Fischer Hall,
écrin du New York Philharmonic.
À guichets fermés
« Les représentations de musique ancienne sont des fleurs délicates qu'il faut
nourrir », explique Joseph W. Polisi, président de la Juilliard School. Bassoniste
de formation, il estime le moment propice pour répondre à l'attente du public.
Aux États-Unis, seules quelques villes, Boston et San Francisco notamment, ont
développé une activité baroque. «Il n'y a aucune tradition à New York
comparable à ce qui existe en Europe», argumente Polisi pour justifier l'absence
d'un enseignement spécifique à la musique baroque alors que l'institution s'est
ouverte au jazz en 2001. William Christie, qui a créé Les Arts Florissants en
France en 1979, est l'illustration de cette tradition. Le chef, né à Buffalo, dans
l'État de New York, a remis sur le devant de la scène ce répertoire oublié:
Antoine Charpentier, compositeur de l'opéra qui a donné son nom à la formation
de Christie, Jean-Philippe Rameau, créateur des Indes galantes, bien sûr, mais
aussi Jean-Féry Rebel ou Michel Lambert, parfaits inconnus il y a peu pour ses
jeunes étudiants new-yorkais.
Mais la demande du public de la Grosse Pomme pour ce répertoire est de plus
en plus pressante, comme l'a prouvé, jeudi, le concert donné dans le petit écrin
du Zankel Hall, sous la grande salle du Carnegie Hall. À guichets fermés, Les
Arts Florissants ont donné un concert intense et exigeant consacré à la musique
baroque française. À l'affiche, donc, Marc-Antoine Charpentier, dont le Te Deum
à quatre voix et les Lamentations de la Vierge ont mis en valeur la technique et
la diction des chanteurs, parmi lesquels l'incomparable ténor Paul Agnew, à la
voix ambrée.
C'est en poussant les portes des nombreuses salles de répétition de la Juilliard
School que l'on pouvait les rencontrer tout au long de la semaine, prodiguant
leçons et conseils aux élèves. Tous, de la violoniste Florence Malgoire au flûtiste
Serge Saïtta, tous deux par ailleurs professeurs au Conservatoire de Genève,
partageaient un même sentiment d'étonnement pour les capacités d'adaptation
et de curiosité de leurs élèves. «Ceux qui sont venus ont un solide bagage. En
plus, ils sont représentatifs de la génération YouTube, ils ont accès au disque,
bien sûr, mais aussi à Internet. Ils ont entendu et vu de nombreux musiciens
baroques par ce biais», commente le flûtiste.
Hamilton Berry, élève à la Juilliard School, tient le violoncelle sans pique coincé
entre ses jambes avec l'assurance d'un vieux routier du baroque. «Je n'avais
jamais joué d'un tel instrument, ni d'ailleurs touché un archet baroque
auparavant», affirme-t-il, avouant que sa passion pour les Suites de Bach l'a
conduit à postuler. « Il y a des liens avec le jazz, les partitions sont moins
marquées et il y a place pour l'improvisation, même s'il faut se montrer très
exact dans l'ornementation », explique-t-il. C'est également cette sensation de
liberté que met en avant la jeune Emi Ferguson, passée de la flûte classique à
son homologue baroque avec une surprenante habileté. «Je voulais essayer,
pour connaître l'origine de la musique que nous jouons. L'école m'a donné cette
chance car je ne possédais pas d'instrument baroque.»
Une leçon passionnée
Une fois prise la décision d'ajouter un programme d'enseignement de musique
ancienne, la Juilliard School a sorti les grands moyens: recherche de mécènes,
achat d'instruments pour les prêter aux élèves et mise à disposition des
meilleurs enseignants avec l'invitation des Arts Florissants. Au 29e étage, dans
l'appartement présidentiel occupé pour la semaine par William Christie, le
claveciniste Kenneth Weiss est accompagné du chanteur Howard Crook, qui a
chanté pour la première d'Atys à New York et enseigne aujourd'hui à Paris. Ils
font face à quatre jeunes chanteurs qui effectuent un saut dans le passé, du
répertoire classique et romantique à Rameau et Charpentier. Une leçon
passionnée et passionnante, où la soprano Lei Xu, la mezzo Julie Boulianne, le
ténor Paul Appleby et le baryton David MacFerrin dévoilent un goût et une
capacité étonnantes pour cette musique.
Deux professeurs pour quatre élèves : ce sont des moyens exceptionnels pour
réussir mais ce n'est pas l'apanage du baroque à la Juilliard. «Le nombre
d'enseignants, détaille Joseph W. Polisi, s'élève à 281 artistes à temps partiel et
à plein-temps, dans tous les domaines, de la danse à la musique et au théâtre,
pour un effectif de 825 élèves». La section baroque devrait compter 24
étudiants régis par le même système. Une Rolls-Royce pour les amateurs de
carrosses!
Jean-Louis Validire (à New York)
Le Figaro du 08/04/2008
chef William Christie et son ensemble, Les Arts Florissants, ont traversé
l'Atlantique pour célébrer l'événement.
» INTERVIEW - Christie : «Le retour à l'authenticité a commencé aux
USA»
En écoutant vendredi soir le concert interprété à la Juilliard School de New
York par les quatorze élèves qui, pendant une semaine, avaient répété sous la
férule amicale mais exigeante des musiciens des Arts Florissants, qui aurait pu
imaginer que la technique de la musique baroque leur était encore étrangère il y
a quatre mois. Cette représentation, ponctuée par les commentaires de William
Christie, marquait l'apothéose d'une folle semaine, au cours de laquelle la
prestigieuse école de musique new-yorkaise a accueilli en résidence le chef
franco-américain et son ensemble de musique baroque, Les Arts Florissants. Un
prélude à l'ouverture permanente en 2009 d'un enseignement de musique
ancienne.
C'est une révolution culturelle pour la Juilliard School en pleine rénovation
architecturale et musicale. Lorsque les travaux seront terminés, l'année
prochaine, l'institution centenaire proposera un enseignement permanent de
musique ancienne au cœur du bâtiment, dont la façade de verre, en regard du
Lincoln Center, abrite également le Metropolitan Opera et l'Avery Fischer Hall,
écrin du New York Philharmonic.
À guichets fermés
« Les représentations de musique ancienne sont des fleurs délicates qu'il faut
nourrir », explique Joseph W. Polisi, président de la Juilliard School. Bassoniste
de formation, il estime le moment propice pour répondre à l'attente du public.
Aux États-Unis, seules quelques villes, Boston et San Francisco notamment, ont
développé une activité baroque. «Il n'y a aucune tradition à New York
comparable à ce qui existe en Europe», argumente Polisi pour justifier l'absence
d'un enseignement spécifique à la musique baroque alors que l'institution s'est
ouverte au jazz en 2001. William Christie, qui a créé Les Arts Florissants en
France en 1979, est l'illustration de cette tradition. Le chef, né à Buffalo, dans
l'État de New York, a remis sur le devant de la scène ce répertoire oublié:
Antoine Charpentier, compositeur de l'opéra qui a donné son nom à la formation
de Christie, Jean-Philippe Rameau, créateur des Indes galantes, bien sûr, mais
aussi Jean-Féry Rebel ou Michel Lambert, parfaits inconnus il y a peu pour ses
jeunes étudiants new-yorkais.
Mais la demande du public de la Grosse Pomme pour ce répertoire est de plus
en plus pressante, comme l'a prouvé, jeudi, le concert donné dans le petit écrin
du Zankel Hall, sous la grande salle du Carnegie Hall. À guichets fermés, Les
Arts Florissants ont donné un concert intense et exigeant consacré à la musique
baroque française. À l'affiche, donc, Marc-Antoine Charpentier, dont le Te Deum
à quatre voix et les Lamentations de la Vierge ont mis en valeur la technique et
la diction des chanteurs, parmi lesquels l'incomparable ténor Paul Agnew, à la
voix ambrée.
C'est en poussant les portes des nombreuses salles de répétition de la Juilliard
School que l'on pouvait les rencontrer tout au long de la semaine, prodiguant
leçons et conseils aux élèves. Tous, de la violoniste Florence Malgoire au flûtiste
Serge Saïtta, tous deux par ailleurs professeurs au Conservatoire de Genève,
partageaient un même sentiment d'étonnement pour les capacités d'adaptation
et de curiosité de leurs élèves. «Ceux qui sont venus ont un solide bagage. En
plus, ils sont représentatifs de la génération YouTube, ils ont accès au disque,
bien sûr, mais aussi à Internet. Ils ont entendu et vu de nombreux musiciens
baroques par ce biais», commente le flûtiste.
Hamilton Berry, élève à la Juilliard School, tient le violoncelle sans pique coincé
entre ses jambes avec l'assurance d'un vieux routier du baroque. «Je n'avais
jamais joué d'un tel instrument, ni d'ailleurs touché un archet baroque
auparavant», affirme-t-il, avouant que sa passion pour les Suites de Bach l'a
conduit à postuler. « Il y a des liens avec le jazz, les partitions sont moins
marquées et il y a place pour l'improvisation, même s'il faut se montrer très
exact dans l'ornementation », explique-t-il. C'est également cette sensation de
liberté que met en avant la jeune Emi Ferguson, passée de la flûte classique à
son homologue baroque avec une surprenante habileté. «Je voulais essayer,
pour connaître l'origine de la musique que nous jouons. L'école m'a donné cette
chance car je ne possédais pas d'instrument baroque.»
Une leçon passionnée
Une fois prise la décision d'ajouter un programme d'enseignement de musique
ancienne, la Juilliard School a sorti les grands moyens: recherche de mécènes,
achat d'instruments pour les prêter aux élèves et mise à disposition des
meilleurs enseignants avec l'invitation des Arts Florissants. Au 29e étage, dans
l'appartement présidentiel occupé pour la semaine par William Christie, le
claveciniste Kenneth Weiss est accompagné du chanteur Howard Crook, qui a
chanté pour la première d'Atys à New York et enseigne aujourd'hui à Paris. Ils
font face à quatre jeunes chanteurs qui effectuent un saut dans le passé, du
répertoire classique et romantique à Rameau et Charpentier. Une leçon
passionnée et passionnante, où la soprano Lei Xu, la mezzo Julie Boulianne, le
ténor Paul Appleby et le baryton David MacFerrin dévoilent un goût et une
capacité étonnantes pour cette musique.
Deux professeurs pour quatre élèves : ce sont des moyens exceptionnels pour
réussir mais ce n'est pas l'apanage du baroque à la Juilliard. «Le nombre
d'enseignants, détaille Joseph W. Polisi, s'élève à 281 artistes à temps partiel et
à plein-temps, dans tous les domaines, de la danse à la musique et au théâtre,
pour un effectif de 825 élèves». La section baroque devrait compter 24
étudiants régis par le même système. Une Rolls-Royce pour les amateurs de
carrosses!
Jean-Louis Validire (à New York)
Le Figaro du 08/04/2008
Nicole- Membre Vénérable de l'Opale
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Date d'inscription : 06/04/2008
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