Retorse 1
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Retorse 1
Retorse
C’est alors que la vieille princesse décrépipi d’chat en eut assez d’être vieille. Oui, elle en eut marre d’essuyer les lazzi de ses consoeurs plus fraîches qui, dans les meilleurs contes, occupaient les meilleures places. Les bons contes font les bons zamis, se disait-elle déjà depuis quelque temps. Et elle eut vraiment, mais vraiment envie d’avoir tout plein de bonzes amis.
Elle décida donc d’émigrer en Asie.
Pour ce faire, ses valises elle boucla après y avoir jeté sa couronne froissée et un fer à repasser, sa plus belle robe complétée d’un nécessaire d’entretien pour vélo( comprenant des rustines), des escarpins de vair et tout l’attirail habituel.
Ainsi bagagisée, elle gagna la desserte Essainecéef la plus proche.
Quelle ne fut pas sa stupeur ! Sur le grand panneau des départs, gare Saint Lézard, clignotait l’annonce de cet imminent départ : TGV spécial, réservé aux princesses déchues, décrépipi d’chat, sans royaume, ni princes, ni couronnes, départ vers l’exil asiatique, quai de marbre fissuré, au fond de la gare. Ni chariots, ni porteurs disponibles. DEPART IMMEDIAT.
Retorse – c’est ainsi que se prénommait notre princesse à nous_ se précipita illico presto vers le fond de la gare Saint Lézard. Ses bajoues ballottaient, son dentier claquait, son énorme verrue poilue valsait sur sa joue gauche.
La locomotive chauffait, sifflait, bouillonnait, hoquetait prête à quitter le quai. Retorse manquerait-elle le départ ? Non car elle eut une idée-ce qui était bon signe car les princesses complètement et irrémédiablement décrépipi d’chat n’ont plus d’idées depuis longtemps-. Les mains de Retorse agrippèrent plus fort les poignées de ses valises à roulettes. Elle courut, se lança, prit de plus en plus d’élan, visa le fond de la gare et hop, souleva les pieds. Elle glissait ; ça marchait ! elle roulait sans lézard.
Elle passa ainsi devant le train des princesses endormies, à quai depuis bientôt un siècle, devant le train de celles qui en avaient un de retard, ensuite devant un quai étrange, noyé de brumes, d’où un millier de voix au moins murmuraient dans d’innombrables langues : « T’as d’beaux yeux, tu sais », et elle stoppa net dans son train. Dans, oui ! Pas devant, car emportée par son élan, Retorse avait été catapultée par la portière ouverte et s’était écrasée en face, contre l’autre portière demeurée fermée.
Elle dut redescendre pour récupérer ses deux valises échouées sur le quai. Elle jurait, se frottait partout où elle avait des bleus et se demandait – car elle oubliait toujours- si on dit courbatue , ou courbaturée.
Elle remonta dans son compartiment juste comme le train vibrant, grinçant, râlant, s’ébranlait. Peu à peu, petit à petit lentement mais sûrement –chi va piano va sano- la loco prenait de la vitesse, et les wagons suivaient, dociles. La gare disparut.
Sous son princier postérieur, Retorse sentait s’amollir, s’adoucir, s’assouplir les coussins de la Essainecéef. Mais pourquoi n’avait-elle pas pensé plus tôt à la Société Nationale des Convois Friqués ?
Puisqu’il était question de fric, Retorse fourragea sous ses jupes, jupons, dentelles et rustines à la recherche de sa bourse. Elle avait en effet été alertée par le cliquetis annonciateur d’une jambe articulée, prolongeant elle-même un contrôleur. A cette époque, il fallait bien sûr être possesseur de ce type de prothèse pour entrer dans la corporation si enviée des contrôleurs de la fameuse Essainecéef. On prétend même que certains se faisaient amputer exprès pour y être admis. Mais comme il n’y avait pas suffisamment d’emplois dans les convois friqués, les surnuméraires se retrouvaient à mendier dans les parkings souterrains, exhibant leurs moignons pour attendrir le passant.
Retorse exhuma sa bourse de tous ses replis vestimentaires et corporels comme le contrôleur cliquetant arrivait à son niveau.
« Un billet pour l’Asie », demanda-t-elle, de l’espoir plein la voix, les yeux illuminés de visions de bonzes amis.
_ Pour l’Asie ?
_ Oui, bien sûr ! vous savez, les bons contes font…Mais elle se tut aussitôt. Bien que décrépipi d’chat, Retorse avait encore, dans les situations délicates, quelques souvenirs de princière éducation qui lui interdisaient là, dans ce train, de raconter sa vie au premier venu, fût-il contrôleur. Et puis, ce qu’elle lisait dans les yeux et sur le visage de l’employé fit lever en elle l’incompréhension puis le doute.
Elle réalisa soudain :
_ Me serais-je trompée de train ?
_ Hélas oui, princesse. Pour l’Asie, c’était celui du fond. C’est celui du fond qu’on manque le plus. Celui- ci va en Italie, via Monaco.
_ En Italie ?
Retorse se ratatina sur son siège, se décrépipit d’chat un peu plus, se plissa encore. On l’aurait presque confondue avec les plis de son vêtement.
C’est alors que la vieille princesse décrépipi d’chat en eut assez d’être vieille. Oui, elle en eut marre d’essuyer les lazzi de ses consoeurs plus fraîches qui, dans les meilleurs contes, occupaient les meilleures places. Les bons contes font les bons zamis, se disait-elle déjà depuis quelque temps. Et elle eut vraiment, mais vraiment envie d’avoir tout plein de bonzes amis.
Elle décida donc d’émigrer en Asie.
Pour ce faire, ses valises elle boucla après y avoir jeté sa couronne froissée et un fer à repasser, sa plus belle robe complétée d’un nécessaire d’entretien pour vélo( comprenant des rustines), des escarpins de vair et tout l’attirail habituel.
Ainsi bagagisée, elle gagna la desserte Essainecéef la plus proche.
Quelle ne fut pas sa stupeur ! Sur le grand panneau des départs, gare Saint Lézard, clignotait l’annonce de cet imminent départ : TGV spécial, réservé aux princesses déchues, décrépipi d’chat, sans royaume, ni princes, ni couronnes, départ vers l’exil asiatique, quai de marbre fissuré, au fond de la gare. Ni chariots, ni porteurs disponibles. DEPART IMMEDIAT.
Retorse – c’est ainsi que se prénommait notre princesse à nous_ se précipita illico presto vers le fond de la gare Saint Lézard. Ses bajoues ballottaient, son dentier claquait, son énorme verrue poilue valsait sur sa joue gauche.
La locomotive chauffait, sifflait, bouillonnait, hoquetait prête à quitter le quai. Retorse manquerait-elle le départ ? Non car elle eut une idée-ce qui était bon signe car les princesses complètement et irrémédiablement décrépipi d’chat n’ont plus d’idées depuis longtemps-. Les mains de Retorse agrippèrent plus fort les poignées de ses valises à roulettes. Elle courut, se lança, prit de plus en plus d’élan, visa le fond de la gare et hop, souleva les pieds. Elle glissait ; ça marchait ! elle roulait sans lézard.
Elle passa ainsi devant le train des princesses endormies, à quai depuis bientôt un siècle, devant le train de celles qui en avaient un de retard, ensuite devant un quai étrange, noyé de brumes, d’où un millier de voix au moins murmuraient dans d’innombrables langues : « T’as d’beaux yeux, tu sais », et elle stoppa net dans son train. Dans, oui ! Pas devant, car emportée par son élan, Retorse avait été catapultée par la portière ouverte et s’était écrasée en face, contre l’autre portière demeurée fermée.
Elle dut redescendre pour récupérer ses deux valises échouées sur le quai. Elle jurait, se frottait partout où elle avait des bleus et se demandait – car elle oubliait toujours- si on dit courbatue , ou courbaturée.
Elle remonta dans son compartiment juste comme le train vibrant, grinçant, râlant, s’ébranlait. Peu à peu, petit à petit lentement mais sûrement –chi va piano va sano- la loco prenait de la vitesse, et les wagons suivaient, dociles. La gare disparut.
Sous son princier postérieur, Retorse sentait s’amollir, s’adoucir, s’assouplir les coussins de la Essainecéef. Mais pourquoi n’avait-elle pas pensé plus tôt à la Société Nationale des Convois Friqués ?
Puisqu’il était question de fric, Retorse fourragea sous ses jupes, jupons, dentelles et rustines à la recherche de sa bourse. Elle avait en effet été alertée par le cliquetis annonciateur d’une jambe articulée, prolongeant elle-même un contrôleur. A cette époque, il fallait bien sûr être possesseur de ce type de prothèse pour entrer dans la corporation si enviée des contrôleurs de la fameuse Essainecéef. On prétend même que certains se faisaient amputer exprès pour y être admis. Mais comme il n’y avait pas suffisamment d’emplois dans les convois friqués, les surnuméraires se retrouvaient à mendier dans les parkings souterrains, exhibant leurs moignons pour attendrir le passant.
Retorse exhuma sa bourse de tous ses replis vestimentaires et corporels comme le contrôleur cliquetant arrivait à son niveau.
« Un billet pour l’Asie », demanda-t-elle, de l’espoir plein la voix, les yeux illuminés de visions de bonzes amis.
_ Pour l’Asie ?
_ Oui, bien sûr ! vous savez, les bons contes font…Mais elle se tut aussitôt. Bien que décrépipi d’chat, Retorse avait encore, dans les situations délicates, quelques souvenirs de princière éducation qui lui interdisaient là, dans ce train, de raconter sa vie au premier venu, fût-il contrôleur. Et puis, ce qu’elle lisait dans les yeux et sur le visage de l’employé fit lever en elle l’incompréhension puis le doute.
Elle réalisa soudain :
_ Me serais-je trompée de train ?
_ Hélas oui, princesse. Pour l’Asie, c’était celui du fond. C’est celui du fond qu’on manque le plus. Celui- ci va en Italie, via Monaco.
_ En Italie ?
Retorse se ratatina sur son siège, se décrépipit d’chat un peu plus, se plissa encore. On l’aurait presque confondue avec les plis de son vêtement.
Paul- Membre Actif de l'Opale
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Date d'inscription : 27/04/2008
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